IV.5.b.e. Dosage de l'acide citrique, H3Ci, par la soude. Cas où D pKa est inférieur à 4.

Retour au plan du cours sur les pH des solutions aqueuses.

L'acide citrique, de formule brute C6H8O7 , abrégé par commodité dactylographique en H3Ci, est un triacide organique dont les pKa respectifs sont de 3.10, 4.76 et  6.40.
On se propose de calculer les valeurs des pH des points de la courbe de dosage d'une solution aqueuse d'acide citrique de volume V0 égal à 100 mL et de concentration C0 égale à 0.1 mol.L-1, par une solution aqueuse d'hydroxyde de sodium de concentration Cb  égale à 0.5 mol.L-1.
Le volume de soude Ve nécessaire pour obtenir la première équivalence sera égal à 20 mL.
On aura alors une solution de dihydrogénocitrate de sodium, de formule abrégée NaH2Ci, de concentration égale à 0.083 mol.L-1, compte tenu du facteur de dilution introduit par l'ajout de 20 mL de soude dans 100 mL de solution.
Lorsque le volume V de soude est égal à 40 mL on se retrouve avec une solution aqueuse d' hydrogénocitrate de disodium, plus communément appelé hydrogénocitrate de sodium, de formule abrégée Na2HCi, de concentration égale à 0.071 mol.L-1.
Lorsque le volume V de soude versée est égal à 60 mL on se retrouve avec une solution aqueuse de citrate de trisodium, plus communément appelé citrate de sodium, de formule abrégée Na3Ci, de concentration égale à 0.062 mol.L-1.
Au-delà d'un volume V de soude versée égal à 60 mL on se retrouve avec un mélange de soude et de citrate de sodium.

La courbe de dosage  se découpera en quatre zones.

Première partie: entre V/Ve = 0 et V/Ve = 1.
On calculera le pH initial de la solution d'acide citrique à 0.1 mol.L-1.
L'acide citrique se comportera comme un monoacide faible de pKa égal à pKa1.
On aura alors:

Ka1
On aura alors à résoudre l'équation du second degré suivante:
h2 + 7.94.10-4.h -7.94.10-5 = 0
La solution conduit à un pH de 2.07.
Le degré de dissociation a de l'acide citrique à la concentration de 0.1 mol.L-1 est de 8.51%.
On pourra montrer aisément que la seconde acidité est négligeable devant la première en reprenant les divers exemples que j'ai traités dans mon cours.
Si l'on veut calculer le pH de la solution d'acide citrique entre V/Ve = 0 et V/Ve = 1 il faudra résoudre l'équation de l'électroneutralité en maintenant les ions hydronium dans l'équation. On ne pourra pas faire l'approximation de  HENDERSON, du moins au départ.
On résoudra alors:
h + (Na+) = (H2Ci-)
La réaction prépondérante sera alors la réaction entre les ions hydronium provenant de la dissociation non négligeable de l'acide citrique et les ions hydroxyde provenant de la soude.
La réaction prépondérante secondaire sera la suivante:
H3Ci + HOH2Ci- + H2O
La constante de réaction Kr sera alors égale au rapport de Ka1 sur Ke, soit, numériquement à 25°C 7.94.1010. Si l'aspect cinétique va dans le même sens que l'aspect thermodynamique alors la réaction sera quantitative de la gauche vers la droite. C'est d'ailleurs ce qu'on observe expérimentalement.
Calculons le pH de la solution lorsque le volumeV de soude  versée est égal à 10 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 0.5.
On tiendra compte, bien évidemment des facteurs de dilution dans l'expression de chacune des concentrations.
On aura, comme d' habitude:
(Na+) = 
et: (H2Ci-) = 
Numériquement on sera amené à résoudre une équation du second degré:
110.h2 +5.0374.h -4.10-3 = 0
On arrive à un pH de 3.11, soit la valeur de pKa1.

Que vaut le pH de la solution lorsque le volume de souve versée V est égal à Ve, soit 20 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 1?
On appliquera dans un premier temps la formule magique des hydrogénosels:

pH = 0,5.(pKa1 + pKa2)
On arrivera numériquement à une valeur de pH égale à 3.93 à 25°C.
On pourra lors vérifier la validité, ou la non validité de la formule magique.
Cette valeur de pH est calculée en tenant compte uniquement de la réaction d'amphotérisation de l'anion dihydrogénocitrate en hydrogénocitrate et acide citrique, soit:
2H2CiH3Ci + HCi2-
La constante d'équilibre de cette réaction d'amphotérisation est égale au rapport des constantes d'acidité Ka2 sur Ka1. Numériquement, à 25°C, on trouve: 0.022.
Il faut alors vérifier si l'anion dihydrogénocitrate H2Ci- est susceptible, ou non,  de donner une réaction d'hydrolyse partielle, acide ou basique, qui serait de nature à modifier la valeur du pH obtenu grâce à la formule magique des hydrogénosels.
On sera amené à résoudre l'équation suivante:
0.022 = 
On se retrouve avec les concentrations suivantes, exprimées en mol.L-1,  pour les diverses espèces dissoutes:
 
H2Ci- 0.064
HCi2- 9.47.10-3
H3Ci 9.47.10-3

A partir de là on regarde, comme d'habitude, si la réaction d'hydrolyse acide de l'anion dihydrogénocitrate est de nature à modifier le pH de la solution:

H2Ci- + H2HCi2- + H3O+
La constante de cet équilibre est égale à Ka2, soit numériquement 1.74.10-5 à 25°C.
Comme d'habitude, on fera un tableau en indiquant, avant et après instauration de ce second équilibre, les concentrations, exprimées en mol.L-1, des diverses espèces dissoutes:
 
H2Ci- H3O+ HCi2-
Avant instauration de l'équilibre acido-basique caractérisé par Ka2. 0.064 0 9.47.10-3
Après instauration de l'équilibre acido-basique caractérisé par Ka2. 0.064 - x x 9.47.10-3 + x

On arrive alors devant l'équation du second degré suivante:

Ka2 = 1.74.10-5
On arrive à l'équation du second degré suivante:
x2 + 9.49.10-3.x - 1.114.10-6 = 0
On résout et on arrive à un pH de 3.94.
Avec la formule magique des hydrogénosels on avait trouvé un pH de 3.92.
On peut donc considérer légitimement que l'hydrolyse acide de l'anion dihydrogénocitrate H2Ci- n'intervient pas de façon substantielle pour modifier le pH fourni par la formule magique des hydrogénosels.

Si l'on veut calculer le pH de la solution en n'importe quel point de la courbe compris entre V = 0 et V = 20 mL on pourra résoudre l'équation du second degré suivante, qui n'est rien d'autre qu'une réécriture de l'équation d'électroneutralité:

(V0 + V).h2 + [Ka1.(V0 + V) + Cb.V].h + Ka1.(Cb.V - C0.V0) = 0

Deuxième partie de la courbe: entre V = 20 et V = 40 mL, soit entre V/Ve = 1 et V/Ve = 2.
L'équation du dosage est alors la suivante:

H2Ci- + HOHCi2- + H2O
La constante de réaction Kr est égale au rapport de Ka2 sur Ke, soit numériquement, à 25°C 1.74.109.
Si l'aspect cinétique va dans le même sens que l'aspect thermodynamique alors la réaction est quantitative et fortement déplacée vers la droite. C'est ce qu'on constate d'ailleurs expérimentalement.
Etant donné que le dihydrogénocitrate de sodium subit une très faible réaction d'hydrolyse en hydrogénocitrate et ion hydronium, on pourra considérer que cette réaction de dosage de l'anion dihydrogénocitrate par la soude est en fait la réaction prépondérante: on pourra alors considérer qu'on est dans le domaine de HENDERSON et que le pH du milieu sera calculable facilement grâce à la constante Ka2 écrite sous sa forme littérale et dont on aura pris le logarithme décimal. Je n'aime pas vraiment cette méthode mais je la donne en complément: tous les chemins menant à Rome...
On comparera les valeurs fournies par cette approximation avec la méthode plus complète qui implique la résolution de l'équation d'électroneutralité.

Avant cela on calculera la valeur du pH de la solution lorsque le volume V de soude versée est égal à 40 mL, afin d'avoir les deux valeurs extrêmes de pH dans l'intervalle considéré: V = 20 mL et V = 40 mL.
On se retrouva alors avec une solution aqueuse d' hydrogénocitrate de disodium Na2HCi de concentration égale à 0.071 mol.L-1.Le pH de la solution sera encore donné, du moins dans un premier temps, par la formule magique des hydrogénosels:

pH = 0,5.(pKa2 + pKa3)
Cette formule correspond au pH trouvé lorsqu' entre en jeu uniquement la réaction d'amphotérisation de l'anion hydrogénocitrate HCi2-  en citrate Ci3-  et dihydrogénocitrate H2Ci-:
2 HCi2- H2Ci- + Ci3-
La constante de cet équilibre d'amphotérisation est égale au rapport des constantes d'acidité Ka3 sur Ka2, soit numériquement à 25°C:  0.023.
Numériquement, en appliquant la formule magique  on trouve une valeur de pH égale à 5.58.
On pourra vérifier, de la même façon que pour le dihydrogénocitrate de sodium NaH2Ci, que l'hydrogénosel  Na2HCi ne subit pas, dans les conditions de travail où l'on se place, de réaction d'hydrolyse conséquente  susceptible de modifier la valeur de pH trouvée par la formule magique des hydrogénosels.
On aura à résoudre l'équation suivante:
0.023 = 
On fera un tableau présentant les résultats, exprimés en mol.L-1,  tout comme lors du cas du dihydrogénocitrate de sodium, après instauration de cet équilibre d'amphotérisation.
 
HCi2- 0.0545
Ci3- 8.25.10-3
H2Ci- 8.25.10-3

A partir de là on regardera l'influence éventuelle sur le pH de la solution de la réaction d'hydrolyse  de l'anion hydrogénocitrate HCi2-.

HCi2- + H2H3O+ + Ci3-
On présentera les évolutions des diverses concentrations, exprimées en mol.L-1,  dans un tableau:
 
HCi2- H3O+ Ci3-
Avant instauration de l'équilibre acido-basique caractérisé par Ka3 0.0545 0 8.25.10-3
Après instauration de l'équilibre acido-basique caractérisé par Ka3 0.0545 - x x 8.25.10-3 + x

On aura à résoudre alors l'équation:

3.98.10-7 = 10-6.40
On résout alors l'équation du second degré suivante:
x2 + 8.25.10-3.x -2.17.10-8 = 0
On arrive à un pH de 5.58.
Avec la formule magique des hydrogénosels on trouvait la même valeur. La réaction d'hydrolyse de l'anion hydrogénocitrate HCi2- en citrate Ci3- n'est pas susceptible de modifier la valeur de pH trouvée grâce à la formule magique des hydrogénosels.

On revient au calcul des pH de la solution dans l'intervalle considéré.

Afin de calculer le pH de la solution dans l'intervalle considéré on sera amené à résoudre l'équation d'électroneutralité suivante:

h + (Na+) = (H2Ci-) + 2.(HCi2-)
On remplacera chacun des termes par son expression littérale et ensuite on passera à l'application numérique:
(Na+) = 
(H2Ci-) = 
2. (HCi2-) = 
On calculera le pH par exemple lorsque V = 30 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 1.5.
On est alors amené à résoudre l'équation du second degré suivante:
130.h2 + 4.95.h -8.81.10-5 = 0
On arrive à un pH de 4.75, bref à un pH égal à pKa2.
On aurait pu arriver à ce même résultat en utilisant la formule de HENDERSON, applicable ici. Même si , je le répète, j'aime beaucoup moins cette méthode par rapport à la résolution de l'équation de l'électroneutralité.
On a alors:
pH = pKa2 + log 
On aurait eu alors:
Equation de conservation de la masse pour l'acide citrique:
C = = (H2Ci-) + (HCi2-)
Dans cette hypothèse de HENDERSON  on peut négliger le terme en citrate dans l'équation de conservation de la masse puisqu'on considère que le seul couple acido-basique qui intervient est celui qui est caractérisé par Ka2. C'est un peu ce qui me gêne en fait....
(H2Ci-) = 
(HCi2-) = 
On arrive alors facilement en remplaçant chacune des expressions dans la formule de HENDERSON par leur valeur numérique  à montrer que pH = pKa2.
Je préfère encore une fois la résolution de l'équation de l'électroneutralité à cette méthode...

Si l'on veut calculer le pH en n'importe quel point de la courbe compris entre V = 20 et V = 40 mL, on aura à résoudre l'équation du second degré suivante, qui n'est autre qu'une réécriture de l'équation de l'électroneutralité:

(V0 + V).h2 + [Ka2.(V0 + V) + Cb.V - C0.V0].h + Ka2.(Cb.V - 2.C0.V0) = 0

Troisième partie de la courbe: entre V/Ve = 2 et V/Ve = 3, soit entre un volume V de soude versée égal à 40 mL et un volume égal à 60 mL.

On calculera les valeurs de pH extrêmes dans cet intervalle.
Pour V = 40 mL on a un pH de 5.58.
Pour V = 60 mL on est en présence d'une solution aqueuse de citrate de trisodium Na3Ci, plus communément appelé citrate de sodium, de concentration égale à 0.0625 mol.L-1, en tenant compte du facteur de dilution introduit par l'ajout des 60 mL de soude dans les 100 mL de solution aqueuse d'acide citrique.
Le citrate de sodium est une polybase faible, une tribase faible, qui adoptera un comportement de monobase faible de pKb égal à pKb3, soit numériquement, 7.60 à 25°C.
On calculera le pH de la solution en utilisant la formule magique des bases faibles, si tant est que le pH trouvé par cette formule soit supérieur à pKa3 + 1.
On aura alors:

pH = 7 + 0,5.(pKa3 + log )
Numériquement cela conduit à un pH de 9.60.
La valeur étant bien supérieure à  6.40 + 1, soit 7.40,  on peut considérer qu'on pouvait appliquer cette formule magique.
Le pH de la solution dans cet intervalle passera donc d'acide à basique.
La réaction de dosage sera la suivante:
HCi2- + HOCi3- + H2O
La constante de réaction Kr est égale au rapport des constantes Ka3 sur Ke, numériquement on obtient à 25°C la valeur 3.98.107.
Si l'aspect cinétique va dans le même sens que l'aspect thermodynamique, cette réaction est quantitative et très déplacée vers la droite. C'est ce qu'on constate d'ailleurs expérimentalement.
Pour trouver le pH de la solution pour n'importe quel volume V de soude versée, compris dans cet intervalle,  on aura à revenir à l'équation d'électroneutralité de la solution:
h + (Na+) = w + 2.(HCi2-) + 3.(Ci3-)
Le pH étant soit acide soit basique je recommande, encore une fois, de raisonner par l'absurde.
On postule que le pH correspondant à un volume V de soude versé est acide. On raye alors dans l'équation d'électroneutralité w devant h et on résout l'équation du second degré obtenue.
Si on trouve un pH acide c'est que l'hypothèse de départ était vraie. Si au contraire on trouve un pH basique alors c'est que l'hypothèse de départ était fausse. On reprend l'équation de l'électroneutralité. On raye alors h devant w et l'on résout la nouvelle équation du second degré qui est obtenue. On trouve alors un pH basique , en accord avec l'hypothèse de départ. On n'a pas laissé la place au hasard dans cette démarche.

Cherchons, par exemple, à calculer le pH de la solution lorsque le volume V de soude versée est égal à 50 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 2.5.
A priori, mais ce n'est qu'un a priori, le pH devrait être voisin de pKa3, voire égal à pKa3.
On résoudra l'équation d'électroneutralité dans cette hypothèse en rayant w devant h.
Les concentrations de chacune des espèces s'écrivent alors, compte tenu des facteurs de dilution:

(Na+) = 
2.(HCi2-) = 
3.(Ci3-) = 
On arrive alors, en remplaçant chacun des termes par les valeurs numériques qui lui correspondent à:
150.h2 + 5.h -2.10-6 = 0
On résout et on trouve que le pH est égal à 6.40, soit un pH égal à pKa3.
Dans le cas où l'on postule que le pH de la solution, lorsqu'on se situe entre V= 40 et V = 60 mL, est acide, si l'on veut arriver au résultat il faut résoudre l'équation du second degré suivante:
(V0 + V).h2 +[ Cb.V -2.C0.V0 + (V0 + V).Ka3].h + Cb.V.Ka3 -C0.V0.Ka3 = 0
Si aucontraire on postule que le pH de la solution, toujours pour un volume V de soude versée compris entre 40 et 60 mL, est basique, on arrive à l'équation du second degré suivante:
(2.C0.V0 - Cb.V).h2 + h.[3.C0.V0.Ka3 + Ke.(V0 + V) - Cb.V.Ka3] + Ka3.Ke.(V0 + V) = 0

Quatrième partie: au-delà de V = 60 mL, soit au-delà de V/Ve = 3.
On est alors en présence d'un mélange de soude et de citrate de sodium. Le pH sera imposé par la base forte.
Quel est le pH de la solution lorsqu'on aura versé un volume V de soude égal à 70 mL?
Le pH de la solution sera alors donné par la formule:

pH = 14 + log 
Dans le cas où V = 70 mL on trouve un pH de 12.47.

Si l'on verse un volume infiniment grand de soude dans le milieu le pH tend , en théorie, asymptotiquement vers la valeur du pH de la soude pure, soit 13.70. En fait, en raison de l' erreur alcaline le pH est proche de 12....
On récapitulera tous les résultats de la courbe de dosage d'une solution aqueuse  d'acide citrique de concentration égale à 0.1 mol.L-1 par la soude à la concentration de  0.5 mol.L-1 dans un tableau.
 

Volume V de soude versée (exprimé en mL) V/Ve pH
0 0 2.07
10 0.5 3.11
20 1.0 3.93
30 1.5 4.75
40 2.0 5.58
50 2.5 6.40
60 3.0 9.60
70 3.5 12.47
infini infini 13.70(en fait, l' erreur alcaline ramène le pH vers 12)

 Retour au plan du cours sur les pH des solutions aqueuses.

IV.6. Dosage d'une polybase faible: le carbonate de sodium.

 Retour au plan du cours sur les pH des solutions aqueuses.

Le carbonate de disodium, plus communément appelé carbonate de sodium,  a pour formule Na2CO3.
Les deux pKa de l'acide carbonique ou dioxyde de carbone en solution aqueuse sont respectivement, à 25°C, égaux à 6.40 et 10.30.
Ils correspondent aux couples acido-basiques suivants, respectivement:
H2CO3 (ou CO2, H2O) / HCO3- et HCO3-/ CO32-.

On cherchera à calculer la courbe de dosage de cette polybase faible.
On choisira un volume V0 égal à 100 mL et une concentration C0 en carbonate de sodium égale à 0.1 mol.L-1.
On effectuera le dosage par une solution aqueuse d'acide chlorhydrique H3O+ + Cl- de concentration Ca égale à 0.5 mol.L-1.
Le volume équivalent Ve sera égal à 20 mL. Il correspondra à la première neutralisation de la fonction basique de l'anion carbonate.
On sera alors en présence d'une solution aqueuse d' hydrogénocarbonate de sodium, autrefois appelé bicarbonate de soude, de formule NaHCO3,  de concentration égale à 0.083 mol.L-1, en raison du facteur de dilution introduit par les 20 mL de solution d'acide chlorhydrique.
La seconde équivalence correspondra à un volume d'acide versé égal à 40 mL. On sera en présence d'un mélange de chlorure de sodium et de dioxyde de carbone en solution aqueuse.

La courbe de dosage du carbonate de sodium sera découpée en trois parties:
Première partie: de V = 0 à V = 20 mL, soit de V/Ve = 0 à V/Ve = 1.
Deuxième partie: de V = 20 à V = 40 mL, soit de V/Ve = 1 à V/Ve = 2.
Troisième partie: au-delà de V = 40 mL, soit au-delà de V/Ve =2.

Première partie.
Nous calculerons tout d'abord le pH initial de la solution.
L'anion carbonate est susceptible de donner lieu à divers équilibres acido-basiques.
Nous avons déjà étudié cette question plus haut dans le cours, au niveau du paragraphe consacré aux polybases faibles.
Nous avons donc:

CO32- + H2HCO3- + HO-
La constante de cet équilibre est Kb2, de valeur numérique 2.10-4 à 25°C.
Nous avons ensuite:
HCO3- + H2CO2 + HO-
La constante de cet équilibre est Kb1, de valeur numérique 2.51.10-8 à 25°C.
L'application de la méthode de la réaction prépondérante nous a permis de négliger l'apport en quantité de matière du second équilibre et de ne considérer que le premier.
On se retrouve donc avec une dibase faible qui adopte un comportement de monobase faible de pKb égal à pKb2, soit 3.70 à 25°C.
Le pH de la solution sera donné, dans un premier temps, sous réserve de validité de la formule, par la relation magique suivante:
pH = 7 + 0,5.(pKa2 + log C0)
Cette formule n'étant bien entendu applicable que si le pH trouvé grâce à elle est strictement supérieur à pKa2 + 1.
On trouve une valeur de pH qui est de 11.65. La valeur étant supérieure à 10.3 + 1, soit 11.3, la formule magique est applicable.
La concentration des ions hydroxyde provenant du premier équilibre permet de montrer que seulement  quelque 4.47% des anions carbonate ont subi l'hydrolyse donnant des ions hydrogénocarbonate et des ions hydroxyde.

On cherchera à calculer désormais le pH de la solution lorsqu'on est à V = 20 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 1.
La réaction du dosage est la suivante:

CO32- + H3OHCO3- + H2O
La constante de réaction  Kr est égale à l'inverse de la constante Ka2. Numériquement à 25°C on trouve une valeur égale à 2.1010.
Si l'aspect cinétique va dans le même sens que l'aspect thermodynamique alors la réaction est quantitative et très déplacée vers la formation de l'anion hydrogénocarbonate. C'est ce que l'on constate expérimentalement par ailleurs.
On aura alors à calculer le pH d'une solution d'hydrogénocarbonate de sodium NaHCO3 de concentration égale à 0.083 mol.L-1. C'est un hydrogénosel.
L'anion hydrogénocarbonate subit la réaction désormais bien connue d'amphotérisation acido-basique suivante:
2 HCO3CO32- + H2CO3
La constante d'équilibre de la réaction d'amphotérisation est égale au rapport des constantes d'acidité Ka2 sur Ka1. Numériquement on trouve une valeur égale à 1.26.10-4.
Une fois cet équilibre d'amphotérisation établi les concentrations en diverses espèces présentes dans la solution sont calculées grâce à l'équation suivante:
1.26.10-4
On aura alors le tableau suivant, avec des concentrations exprimées en mol.L-1:
 
HCO3- 0.081
CO32- 9.50.10-4
H2CO3 9.50.10-4

Le pH de la solution sera donné dans une première approche par la formule magique des hydrogénosels:

pH = 0,5.(pKa1 + pKa2)
Numériquement on trouve un pH de 8.35 grâce à cette formule magique.
Peut-on lui faire confiance?
Il faut rechercher si l'on n'a pas une réaction secondaire, la réaction d'hydrolyse de l'anion hydrogénocarbonate, qui serait de nature à modifier la valeur de pH trouvée par cette formule.
La réaction susceptible d'être concurentielle est la suivante:
HCO3- + H2CO2 + HO-
La constante d'équilibre de cette réaction a pour valeur Kb1, soit 2.51.10-8 à 25°C.
Nous présenterons le tableau suivant qui fera figurer, exprimées en mol.L-1, les évolutions des diverses concentrations des espèces dissoutes,  avant et après instauration de l'équilibre d'hydrolyse de l'anion hydrogénocarbonate.
 
HCO3- H2CO3 HO-
Avant instauration de l'équilibre d'hydrolyse de l'anion hydrogénocarbonate  0.081 9.50.10-4 0
Après instauration de l'équilibre d'hydrolyde de l'anion hydrogénocarbonate 0.081 - x 9.50.10-4 + x x

On résoudra alors l'équation suivante:

2.51.10-8
On résout alors l'équation du second degré suivante:
x2 + 9.50.10-4.x - 2.03.10-9 = 0
On trouve x = 2.13.10-6 mol.L-1. On en déduit que la concentration des ions hydronium est égale à 4.69.10-9, ce qui donne un pH de 8.33.
Avec la formule magique on trouvait un pH de 8.35. On voit numériquement que la réaction d'hydrolyse de l'anion hydrogénocarbonate n'est pas de nature à modifier de façon conséquente la valeur du pH. On est en présence ici d'un "bon" hydrogénosel,  à la solution aqueuse dont le pH  est indépendant de la concentration. C'est d'ailleurs le cas le plus fréquent.

On cherchera à calculer, désormais, les valeurs de pH comprises entre V/Ve = 0 et V/Ve = 1.

On aura à résoudre l'équation d' électroneutralité de la solution:

(Na+)   = w + (HCO3-) + 2.(CO32-) + (Cl-)
On a négligé les ions hydronium devant les ions hydroxyde dans cet intervalle de pH car on se situe forcément en milieu basique: 8.35 est bien un pH basique.
On aura, en fonction du volume d'acide chlorhydrique versé:
(Na+) = 2. 
(Cl-) = 
(HCO3-) = 
2.(CO32-) = 
En réarrangeant (sans se tromper si possible!)  tous les termes on arrive à une équation du second degré en h,  à partir de laquelle on trouvera le pH de la solution, entre V/Ve = 0 et V/Ve = 1, pour tout volume V d'acide chlorhydrique versé:
h2.(Ca.V - C0.V0) + h.[Ca.Ka2.V + Ke.(V0 + V)] + Ke.Ka2.(V0 + V) = 0
Prenons le cas où V = 10 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 0.5.
Nous arrivons alors à l'équation du second degré suivante:
-5.h2 + 2.52.10-10.h + 4.38.10-23 = 0
On trouve un pH de 10.32, bref on trouve pH = pKa2.

Deuxième partie: entre V = 20 et V = 40 mL, soit entre V/Ve = 1 et V/Ve = 2.
La réaction de dosage qui a lieu est la suivante:

HCO3- + H3OCO2 + 2H2O
La constante de réaction Kr est égale à 2.51.106, soit à l'inverse de la constante Ka1.
Si l'aspect cinétique est en accord avec l'aspect thermodynamique la réaction est très favorisée de la gauche vers la droite. C'est ce qu'on observe expérimentalement.

On calculera le pH lorsque V = 40 mL, bref lorsque V/Ve est égal à 2.
On sera alors en présence d'une solution aqueuse de dioxyde de carbone, mélangé à du chlorure de sodium.
Le pH de la solution sera celui imposé par le dioxyde de carbone dissous.
La concentration C de ce dernier sera égale à:

C = 
soit numériquement 0.071 mol.L-1, en tenant compte du facteur de dilution introduit par les 40 mL de solution d'acide versé dans les 100 mL initiaux.
Le dioxyde de carbone dissous se comportera en pratique comme un monoacide faible de constante d'acidité Ka égale à Ka1. En effet la seconde acidité est négligeable devant la première.

On aura à résoudre l'équation du second degré en h issue de l'égalité suivante:

Ka1 = 3.98.10-7
Soit l'équation:
h2 + 3.98.10-7.h -2.83.10-8 = 0
On résout et on trouve un pH de 3.77.

Entre V/Ve = 1 et V/Ve = 2 le pH de la solution sera soit basique, soit acide.
Il faudra résoudre à chaque fois l'équation de l'électroneutralité de la solution et faire un raisonnement par l'absurde.
L'équation sera la suivante:

(Na+) + h =  w + (HCO3-) + (Cl-)
On aura:
(Na+) = 2.
(HCO3-) = 
(Cl-) = 
A partir de là, si l'on postule que le pH de la solution est basique, pour un volume V de solution aqueuse d'acide chlorhydrique versé, on arrive à l'équation du second degré suivante:
(Ca.V -2.C0.V0).h2  + h.[Ke.(V0 + V) + Ka1.(Ca.V - 2.C0.V0)] + Ka1.Ke.(V0 + V) = 0
Si au contraire on postule que le pH est acide alors on sera amené à résoudre l'équation du second degré suivante:
(V0 + V).h2 + [Ka1.(V0 + V) + 2.C0.V0 - Ca.V].h + Ka1.(C0.V0 - Ca.V) = 0
Exemple: calcul du pH de la solution lorsque le volume V d'acide chlorhydrique versé est égal à 30 mL, bref lorsqu'on est à V/Ve = 1.5.
On postulera que le pH est a priori acide et même égal à pKa1, soit 6.4 à 25°C.
On aura alors à résoudre l'équation du second degré suivante:
130.h2 + 5.h -2.10-6 = 0
On arrive bien à pH = pKa1, soit 6.40.

Troisième partie: au-delà de V/Ve = 2, soit au-delà de V = 40 mL.
On se retrouvera alors en excès d'acide chlorhydrique. ce sera lui qui imposera le pH de la solution.
On aura alors:

(H3O+) = 
Si l'on verse par exemple un volume V d'acide chlorhydrique égal à 50 mL, le pH de la solution sera égal à 1.48.

Si l'on verse un volume infini d'acide le pH de la solution tendra vers 0.3.

On récapitulera les résultats du dosage de 100 mL d'une solution aqueuse de carbonate de sodium à 0.1 mol.L-1 par l'acide chlorhydrique à 0.5 mol.L-1 dans un tableau.
 
 

Volume V d'acide chlorhydrique versé (mL) V/Ve pH
0 0 12.65
10 0.5 10.30 (pKa2)
20 1.0 8.35
30 1.5 6.40 (pKa1)
40 2.0 3.77
50 2.5 1.48
infini infini 0.30

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