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I. La théorie de l' hybridation, ou théorie de la liaison de valence.

I.1. Introduction.

Cette théorie a été développée au cours des années 1930, notamment par le chimiste américain Linus PAULING, prix NOBEL de Chimie en 1954.
C' est une théorie descriptive de la liaison chimique  qui eu, et a encore, un grand succès en chimie organique, car elle rend assez bien compte de faits expérimentaux, absolument incompréhensibles par la théorie de LEWIS, tels que l' existence de liaisons s et p.
C' est également une théorie qui a ses limites, limites qui seront dépassées, du moins en partie, par la théorie des orbitales moléculaires. On verra cela avec notamment le cas de la molécule de benzène, C6H6.

I.2. Philosophie de la théorie de l' hybridation. Le cas qui "résume tout": l' hybridation "sp3".

On partira d' un exemple illustrant la méthode générale: la molécule de méthane, CH4.

Comment "expliquer" la formation d' une telle molécule à partir de la structure électronique de l' atome de carbone?
La mécanique quantique des années 1920 a mis en évidence la structure électronique suivante pour l' atome de l' élément carbone, pris dans son état fondamental, le numéro atomique Z du carbone  étant égal à 6:

1s22s22p2.
La présence de deux électrons non appariés dans la sous-couche 2p de l' atome de carbone ne permet pas de comprendre la tétravalence du carbone dans le méthane.
Linus PAULING a alors l' idée suivante:
Etant donné que les sous-couches (orbitales atomiques) 2s et 2p de l' atome de l' élément carbone sont très proches en énergie on va, dans la théorie de la liaison de valence, les "hybrider", c' est à dire les "mélanger", afin de "créer de nouvelles espèces", qu' on appellera "orbitales atomiques hybrides de l' atome central".
Ainsi, Linus PAULING écrira:

1 orbitale atomique 2s + 3 orbitales atomiques 2p 4 orbitales atomiques hybrides "sp3"

Les quatre électrons qui se trouvaient dans les deux sous-couches 2s et 2p se retrouvent, maintenant, répartis de façon uniforme dans chacune des quatre orbitales atomiques hybrides sp3. Cette répartition uniforme des quatre électrons est  justifiée ("expliquée") par l' équivalence des qutre liaisons chimiques dans la molécule de méthane.
Les quatre électrons, contenus chacun dans une orbitale hybride sp3, se positionneront dans quatre  directions faisant entre elles, deux à deux, des angles de 109°28'.
C' est la façon qui minimise au maximum les répulsions interélectroniques entre quatre charges ponctuelles de même nature dans l' espace.
On retrouve les données de la VSEPR (GILLESPIE, 1957) qui classent les molécules comme CH4 dans la classe AX4.

La géométrie imposée, pour la future molécule de méthane, sera alors la géométrie tétraédrique.

Une fois les quatre orbitales atomiques hybrides "sp3" construites, on terminera la construction de la molécule de méthane en unissant chaque orbitale atomique hybride sp3 à une orbitale 1s, provenant d' un atome d' hydrogène, porteur d' un électron célibataire.

On créera ainsi quatre orbitales moléculaires de type "s", grâce à la fusion axiale de chaque orbitale atomique hybride sp3 avec une orbitale atomique 1s.
 

Molécule de méthane, CH4.
4 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type s, entre une orbitale atomique hybride sp3 et une orbitale atomique 1s, à chaque fois.
Fusion axiale.

On respectera bien entendu  le principe d' exclusion de PAULI pour les deux électrons de la liaison chimique créée à chaque fois.
 

I.3. L' hybridation "sp2".

L' exemple sera illustré par la molécule d' éthylène (éthène, très officiellement) C2H4.

On travaillera sur l' un des deux atomes de l' élément carbone de la molécule. Par symétrie on traitera alors le second atome de carbone.
En écrivant la structure électronique de l' atome de carbone, pris dans son état fondamental, on ne comprend toujours pas, copmme pour l' exemple du méthane précédemment, la tétravalence du carbone dans la molécule C2H4.
Ainsi on imagine la structure électronique 1s22s12p3 pour l' atome de carbone, au lieu de 1s22s22p2.
A partir de là on hybride les orbitales atomiques suivantes de l' atome de carbone: 2s, 2px et 2py.
On laisse volontairement, et arbitrairement, l' orbitale 2pz non hybridée.
On réalise alors la combinaison suivante pour les trois orbitales atomiques, d' énergie voisine, de l' atome de carbone:

1 orbitale atomique 2s + 2 orbitales atomiques 2p 3 orbitales atomiques hybrides "sp2"

Chacune de ces orbitales hybrides contient dès lors un électron. La façon de répartir dans l' espace trois électrons de manière à minimiser au maximum les répulsions interélectroniques obéit à une géométrie plane avec, entre chacune des directions choisies, un angle de 120°.
L' orbitale 2pz n' étant pas touchée par l' hybridation des trois orbitales précédentes, elle occupe une direction perpendiculaire au plan où se situent les trois orbitales hybrides sp2. Cette orbitale contient elle aussi un électron.

On recommence la même opération pour l' atome de carbone numéro deux de la future molécule d' éthylène.

Entre  les deux orbitales atomiques hybrides sp2, provenant chacune d' un atome de carbone différent, entrant en fusion axiale on crée ce que l' on appelle une "liaison s".

Entre les deux orbitales atomiques non hybridées 2pz, provenant chacune d' un atome de carbone différent, possédant chacune un électron, on crée ce qu' on appelle une "liaison p". La fusion entre ces deux orbitales atomiques 2pz est une fusion latérale.

On remarque dès lors, contrairement à ce que permettait d' expliquer la théorie de LEWIS, que les deux liaisons carbone-carbone, dans la molécule d' éthylène, sont de nature essentiellement différente.

C' est là une très grande avancée par rapport à la théorie de LEWIS.

Pour terminer la construction de la molécule d' éthylène on crée enfin quatre liaisons, c' est à dire quatre orbitales moléculaires, de type "s", entre, d' une part, une orbitale atomique hybride sp2 et, d' autre part, une orbitale atomique 1s provenant d' un atome d' hydrogène.
A chaque fois le principe d' exclusion de PAULI (spins antiparallèles) doit être respecté.
 
 

Molécule d' éthylène, C2H4.
4 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type s, entre, à chaque fois, une orbitale atomique hybride sp2 et une orbitale atomique 1s.
Fusion axiale.
1 orbitale moléculaire (liaison chimique) de type s, entre deux orbitales atomiques hybrides sp2.
Fusion axiale.
1 orbitale moléculaire (liaison chimique) de type p, entre deux orbitales atomiques 2p.
Fusion latérale.

I.4. L' hybridation "sp".

On prendra le cas de la molécule d' acétylène (éthyne, très officiellement) C2H2.
Comme précédemment, on ne comprend pas la tétravalence du carbone si l' on n' imagine pas la structure électronique suivante pour ce dernier: 1s22s12p3.
A partir de là on choisit, le plus arbitrairement du monde, d' hybrider, pour chaque atome de carbone, une orbitale atomique 2s avec une orbitale atomique 2p.
On laisse donc de côté , pour chaque atome de carbone, deux orbitales atomiques, les orbitales atomiques 2px et 2pz.

On écrira donc:

1 orbitale atomique 2s + 1 orbitale atomique 2p 2 orbitales atomiques hybrides "sp".

Comme chaque orbitale hybride possède un électron, la seule façon qui minimise au maximum les répulsions interélectroniques est... l' alignement des deux orbitales hybrides, faisant entre elles un angle plat de 180°.

A partir de là on construit la molécule d' acétylène en réalisant:

1. Une fusion axiale de deux orbitales hybrides "sp", provenant chacune d' un atome de carbone différent. On obtient ainsi une orbitale moléculaire de type "s" entre les deux atomes de carbone.
2. Une fusion latérale de deux orbitales non hybridées, 2px, provenant chacune de deux atomes de carbone différent.
On obtient ainsi une orbitale moléculaire de type "p" entre les deux atomes de carbone.
3. Une seconde fusion axiale entre les deux orbitales atomiques non hybridées 2pz, provenant là aussi, de deux atomes de carbone différents.
On obtient ainsi une seconde orbitale moléculaire de type "p" entre les deux atomes de carbone.

Bien entendu, à chaque fois, le principe d' exclusion de PAULI s' appliquera.
 
 

Molécule d' acétylène, C2H2.
2 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type s, entre une orbitale atomique hybride sp et une orbitale atomique 1s, à chaque fois.
Fusion axiale.
1 orbitale moléculaire de type s, entre deux orbitales hybrides sp.
Fusion axiale.
2 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type p, entre deux orbitales atomiques 2p, prises deux à deux à chaque fois.
Fusion latérale.

I.5. L' hybridation dsp3.

L' exemple sera illustré par la molécule de pentachlorure de phosphore, de formule PCl5.

Voilà une molécule qui, au contraire des trois précédentes, n' existe pas si l' on s' en tient au modèle de LEWIS: la règle de l' octet n' est pas satisfaite puisque le phosphore est entouré de 10 électrons de valence, et non pas de huit (cf "octet").

Et pourtant, elle existe bel et bien....

Le phosphore P (Z = 15) a la structure électronique suivante, pris dans son état fondamental:

[Ne] 3s2 3p3
Le chlore Cl (Z = 17) a la structure électronique suivante, pris dans son état fondamental:
[Ne] 3s2 3p5

Afin d' expliquer la valence 5 du phosphore il est alors imaginé de réarranger les électrons des sous-couches 3s et 3p du phosphore, en les combinant, le plus arbitrairement qui soit, mais en tenant compte d' énergies voisines de ces différentes sous-couches, avec une partie de la sous-couche 3d.
On aura alors comme structure électronique de l' atome de phosphore la structure suivante:

[Ne] 3s1 3p3 3d1
On aura alors :
1 orbitale 3s + 3 orbitales 3p + 1 orbitale 3d 5 orbitales atomiques  hybrides "dsp3".

Chacune ce ces cinq orbitales atomiques hybrides contiendra un électron, puisque le phosphore contient cinq électrons sur sa couche externe.

La façon qui minimise au maximum les répulsions interélectroniques entre cinq électrons est la disposition géométrique en forme de bipyramide à base triangulaire (cad imaginer deux tétraèdres qui seraient collés par une face commune). On obtient donc une figure géométrique à six faces.

La construction de la molécule de pentachlorure de phosphore se poursuit en créant, entre chaque orbitale atomique hybride dsp3 de l' atome de phosphore et l' orbitale atomique 3p de l' atome de chlore possédant un électron célibataire, une orbitale moléculaire de type s, résultant d' une fusion axiale.
 
 

Molécule de pentachlorure de phosphore, PCl5.
5 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type s, entre une orbitale atomique hybride dsp3 et une orbitale atomique 3p.
Fusion axiale.

Bien entendu le principe d' exclusion de PAULI s' applique lors de la création de chacune des cinq liaisons chimiques.

On remarque l' apport de la théorie de la liaison de valence à la description de la liaison chimique: pour arbitraire qu' elle soit, cette théorie apporte, là aussi, des compléments que la théorie de LEWIS se trouvait incapable d' expliquer.

I.6. L' hybridation d2sp3.

On prendra l' exemple de l' ion hexachlorophosphore, PCl6-.

Il faut, ici, tâcher d' expliquer la création de six liaisons chimiques autour de l' atome de phosphore.

On va procéder de la façon artificielle suivante: on va créditer l' atome de phosphore d' un électron supplémentaire, de façon à créer l' ion formel P-.
A cet ion P- on va ajouter six atomes de chlore Cl de façon à créer l' ion hexachlorophosphore, PCl6-.

Afin de créer six liaisons à partir de l' ion formel P- on va réarranger arbitrairement ( en tenant compte malgré tout du fait que les sous-couches électroniques 3s, 3p et 3d sont proches en énergie) les six électrons de la couche externe du phosphore auquel on a rajouté un électron supplémentaire en:

[Ne] 3s1 3p3 3d2

Au niveau de l' hybridation entre les orbitales atomiques d' énergie voisine du phosphore on écrira:

1 orbitale 3s + 3 orbitales 3p + 2 orbitales 3d 6 orbitales atomiques hybrides d2sp3.

Afin de répartir dans l' espace de la façon qui minimise au maximum les répulsions interélectroniques entre les six électrons contenus dans chacune de ces orbitales atomiques hybrides, on crée une figure appelée octaèdre, qui correspond à deux pyramides d' Egypte (à cinq faces en tout: les quatre faces externes et... la base) qui seraient  collées par la base. On se retrouve alors avec une figure géométrique à huit faces, bref, un octaèdre.

A partir de là la construction de l' anion hexachlorophosphore se poursuit de la façon suivante:
Chaque orbitale atomique hybride d2sp3 contient un électron célibataire qui vient s' unir, par fusion axiale, avec une orbitale 3p de chaque atome de chlore contenant un électron célibataire. La fusion est axiale et on obtient une liaison de type s à chaque fois. Il s' en formera six en tout.

On respectera le principe d' exclusion de PAULI à chaque fois, bien entendu.
 
 

Anion hexachlorophosphore, PCl6-.
6 orbitales moléculaires (liaisons chimiques) de type s, entre une orbitale atomique hybride d2sp3 et une orbitale atomique 3p à chaque fois.
Fusion axiale.

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